Du revers au renouveau, du déchet à la ressource, du doute à l’inspiration : le parcours d’Edem d’Almeida est celui d’un homme qui n’a jamais cessé de croire en ses rêves. Et surtout, de les transmettre. À travers Africa Global Recycling, Moi Jeu Tri et ses Master Class, il insuffle à la jeunesse africaine un message puissant : tout peut se transformer, même soi-même.
Dans le monde exigeant de l’entrepreneuriat, la ténacité n’est pas une option : elle est une nécessité. Nombreux sont ceux dont les rêves se sont évanouis faute d’avoir su persévérer face aux obstacles. Mais il existe aussi ces profils rares qui, portés par une détermination inébranlable, ont su transformer les embûches en tremplins. Au Togo, Edem Adékunlé d’Almeida incarne brillamment cette seconde catégorie. Pionnier reconnu
de la valorisation des déchets, il est devenu, au fil des années, un entrepreneur aux multiples facettes, capable de se réinventer sans renier ses convictions profondes.
À travers ce portrait, votre magazine vous invite à découvrir l’homme derrière le nom : un bâtisseur de solutions, façonné par l’épreuve, mû par la passion, et engagé dans la transmission à une nouvelle génération d’acteurs du changement.
Une vie de mouvements, dès l’enfance
Edem d’Almeida a toujours été un homme du mouvement, de l’action. Ce ; depuis son enfance. En effet, bien que né au Togo, il a l’itinéraire d’un enfant de l’Afrique de l’Ouest : après son pays natal qui occupa la majeure partie de son enfance, c’est le Bénin et le Sénégal dans les années 90, qui poursuivirent sa construction. De retour au bercail, les parents d’Edem l’envoyèrent vers un autre destin, en France, dans le but d’y terminer sa scolarité. Toutefois les choses ne se passèrent pas comme prévu puisqu’Edem connut son premier revers, un échec au Baccalauréat.
Mais le jeune homme transforma cette épreuve en l’ingrédient d’un cocktail explosif : celui d’une future carrière construite sur la force d’oser, encore et toujours. Il se tourna dès
lors vers la vie active et enchaîna petits boulots et emplois précaires jusqu’en 2005 où un tournant décisif s’opéra. Une formation opportune lui ouvre les portes du groupe SUEZ,
géant mondial de la gestion des déchets. Là, au milieu des bennes et des filières de recyclage, il trouva sa voie ; littéralement.
Cette voie le conduisit dans une autre entreprise française du même secteur. En 2011, il décide de sauter dans le grand bain de l’entrepreneuriat en solo en tant que négociant de déchets industriels. Un an plus tard, une autre décision audacieuse embarqua l’homme dans une nouvelle aventure palpitante; celle de rentrer au Togo avec une une ambition claire : proposer des solutions concrètes aux défis environnementaux de son continent.
Une jeunesse nomade, un destin forgé par les défis
Dès son plus jeune âge, Edem d’Almeida s’est illustré par une énergie débordante et un goût prononcé pour l’action. Homme de mouvement dans l’âme, son parcours personnel s’inscrit dans une géographie affective qui épouse les contours de l’Afrique de l’Ouest. Né au Togo, il grandit entre les rives du Golfe de Guinée et les paysages sahéliens, avec des étapes marquantes au Bénin et au Sénégal dans les années 1990.
Ces expériences multiculturelles posent les premières pierres d’une personnalité ouverte, adaptable et profondément panafricaine. À son retour au Togo, ses parents décident de l’envoyer poursuivre sa scolarité en France. Mais loin du scénario idéal imaginé, le destin lui impose une épreuve de taille : un échec au baccalauréat. Plutôt que de sombrer dans la résignation, Edem transforme cet obstacle en levier de transformation. Il choisit d’entrer dans la vie active, enchaînant petits boulots et emplois précaires qui, loin d’être anodins, forgeront sa résilience et son éthique du travail.
L’année 2005 marque un tournant majeur. Une formation lui ouvre les portes du groupe SUEZ, l’un des leaders mondiaux de la gestion des déchets. C’est dans cet univers peu glamour, celui des bennes, du tri et du recyclage, qu’il découvre une vocation. Cette rencontre avec un secteur en marge, mais vital, agit comme une révélation. Edem y trouve non seulement un terrain professionnel, mais aussi une mission de vie : donner de la valeur à ce que d’autres rejettent.
Fort de cette expérience, il rejoint une autre entreprise française du même secteur, où il affine son expertise. En 2011, mû par l’appel de l’indépendance, il franchit un nouveau cap en lançant sa propre activité de négoce de déchets industriels. Mais l’appel de l’Afrique se fait de plus en plus pressant. En 2012, il prend une décision audacieuse : quitter la France pour revenir s’installer au Togo, avec un projet ambitieux en tête, proposer des solutions innovantes et concrètes aux défis environnementaux du continent.
Une aventure entrepreneuriale allait commencer, fondée non pas sur la facilité, mais sur la conviction.
D’un rêve à la réalité : bâtir l’économie circulaire en Afrique
Quand Edem d’Almeida foule à nouveau le sol africain, ce n’est plus en simple élève, mais en entrepreneur aguerri, mû par une vision précise. Loin d’un retour sentimental, il s’agit d’un choix stratégique : mettre son expérience au service de son continent. Nous sommes en 2013. À Lomé, il pose les fondations de Africa Global Recycling (AGR), première entreprise industrielle et commerciale en Afrique subsaharienne spécialisée dans la valorisation des déchets, dotée d’un centre de tri multi-filières. Une véritable innovation dans un secteur encore largement sous-estimé sur le continent.
Mais les premières années ne seront pas de tout repos. Le terrain est vierge, parfois hostile. Les politiques publiques en matière de gestion des déchets en sont à leurs balbutiements. Le grand public, comme les entreprises, restent peu sensibilisés à l’enjeu environnemental. Quant aux investisseurs, le déchet ne fait tout simplement pas rêver : « ce n’était pas sexy », sourit aujourd’hui Edem, avec le recul d’un homme qui sait
d’où il vient.
En 2016, l’entreprise franchit une nouvelle étape avec la naissance de l’initiative Moi Jeu Tri, un programme d’éducation environnementale à destination des élèves. Le concept est simple mais puissant : sensibiliser dès le plus jeune âge à la pratique du tri des déchets et aux bons réflexes écologiques. Le succès est immédiat. Face à l’enthousiasme rencontré,
Edem décide d’en faire une structure à part entière. En 2017, Moi Jeu Tri devient une association autonome, dotée d’une gouvernance propre et d’une ambition élargie : faire de la transformation écologique un mouvement citoyen et collectif.
Aujourd’hui, Moi Jeu Tri est bien plus qu’un programme éducatif. C’est un véritable pôle de compétences, un catalyseur d’initiatives locales, un accélérateur de changement pour les territoires. Du Togo à la Côte d’Ivoire, du Sénégal à la France, l’empreinte d’AGR et de Moi Jeu Tri ne cesse de s’étendre, portée par une vision à long terme et un leadership engagé. Edem d’Almeida ne se contente pas de recycler les déchets. Il recycle les idées reçues, les fatalismes, les inerties. Il fait de l’environnement non pas une contrainte, mais une opportunité de développement durable, inclusive et porteuse d’espoir pour toute une
génération.
Moi Jeu Tri : éduquer, transformer, inspirer
Devenue association en 2017, Moi Jeu Tri incarne l’un des projets les plus emblématiques de l’engagement d’Edem d’Almeida. Derrière ce nom simple et ludique, se cache une
ambition puissante : changer le rapport des citoyens africains à l’environnement, en commençant par les plus jeunes. L’idée fondatrice est claire : si l’on veut durablement transformer les comportements, il faut agir sur les mentalités. Et qui mieux que l’enfant, acteur central des familles, pour initier le changement depuis l’école jusqu’au foyer ?
Le programme se structure autour de quatre axes fondamentaux:
1. L’éducation environnementale en milieu scolaire, qui fait des élèves des ambassadeurs du tri, capables de relayer auprès de leurs proches les bonnes pratiques. Ici, le jeu et la pédagogie se mêlent pour faire de la sensibilisation un processus vivant et participatif.
2. L’appui aux collectivités locales dans la co-construction d’écosystèmes territoriaux durables. Parce que les mairies sont en première ligne sur la gestion des déchets, Moi Jeu Tri accompagne les élus dans la mise en œuvre de solutions locales concrètes, avec une approche collaborative.
3. L’inclusion sociale et l’insertion professionnelle des jeunes et des femmes éloignés de
l’emploi. En les formant aux métiers de l’économie circulaire, l’association crée des opportunités économiques nouvelles et fait du recyclage un levier d’autonomisation.
4. La création de chaînes de valeur autour de la valorisation des déchets, pour que ce qui est jeté devienne une ressource, un intrant, un débouché économique durable.
Aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Présente au Togo, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et en France, Moi Jeu Tri travaille avec un réseau de plus de 300 établissements scolaires, 12 collectivités territoriales, et touche plus de 240 000 bénéficiaires directs. Son rayonnement s’étend à des partenaires publics, privés et internationaux, avec lesquels elle construit des solutions sur mesure.
Mais au-delà des chiffres, Moi Jeu Tri est un état d’esprit. Celui d’une jeunesse consciente, formée, actrice de son avenir. Celui d’un continent en mouvement, qui ne veut plus subir les modèles venus d’ailleurs mais fabriquer ses propres réponses aux défis environnementaux. Edem d’Almeida, en visionnaire lucide, l’a bien compris : l’avenir de l’Afrique ne se fera pas contre l’environnement, mais avec lui, par lui et pour lui.
« Le déchet n’est pas une fin en soi, c’est un début possible. Une matière brute d’où peut jaillir de la valeur, de l’innovation, de la dignité pour ceux qui y travaillent », aime-t-il répéter. À travers Moi Jeu Tri, il transmet cette vision à des milliers d’enfants, de jeunes, d’élus et de citoyens. Et il le fait sans jamais sombrer dans le pessimisme ou la leçon de morale.
Ce qu’il prône, c’est une écologie pragmatique, inclusive, populaire, au service du mieux-vivre ensemble.
Masterclass Edem d’Almeida : provoquer l’ambition, cultiver l’audace
« Tu es ta plus belle opportunité.» Ce mantra résume à lui seul la philosophie d’Edem d’Almeida. Fort de plus de quinze années d’expérience entrepreneuriale, en Afrique comme en Europe, l’homme porte désormais un regard lucide mais bienveillant sur la jeunesse togolaise. Il en connaît les espoirs, mais aussi les doutes et les
errements. Et il en est convaincu : sans repères solides, sans modèles inspirants, sans passeurs d’expérience, beaucoup de jeunes passent à côté de leur potentiel.
C’est ce constat qui a nourri la création d’une initiative originale, unique en son genre : la Masterclass Edem d’Almeida. Un espace atypique, à la croisée du coaching, du spectacle vivant et de la transmission intergénérationnelle. Ici, pas de discours abstrait ni de conférence académique : la parole se libère, le corps s’exprime, l’émotion circule, au service d’une seule cause — redonner aux jeunes la foi en eux mêmes.
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Chaque édition est pensée comme une expérience immersive, à la scénographie soigneusement travaillée : lumières, sons, slams, chorégraphies, sketchs, performances orales. L’univers est décalé, mais le fond, lui, est d’une redoutable précision. Les
thèmes abordés parlent aux cœurs et aux consciences : Provoquez vos opportunités, Écris ta légende personnelle, Les chemins de la résilience, Penser grand, Convaincre et inspirer, Guérir des blocages, Raviver la motivation et l’ambition.
Et plus récemment, La science de la chance, édition du 5 avril dernier, qui a rassemblé plus de 300 jeunes enthousiastes, venus puiser énergie et outils pour reprendre le pouvoir
sur leur destinée. Au-delà du show, la Masterclass d’ Edem est un laboratoire de
transformation personnelle. L’ambition est claire : aider chaque participant à identifier ses freins, à explorer ses talents, à affirmer ses choix, à agir, enfin. Pour cela, Edem d’Almeida partage sans filtre son parcours, ses échecs, ses leçons de vie, ses lectures, ses routines. Il n’enseigne pas la réussite, il la démythifie. Et il montre, par l’exemple, que la clé n’est jamais extérieure : elle réside en chacun.
Aujourd’hui, la Masterclass s’impose progressivement comme un rendez-vous incontournable du développement personnel au Togo. Et demain ? Elle pourrait bien
s’exporter dans d’autres villes, d’autres pays, voire sur d’autres formats : documentaires, podcasts, séries éducatives. Car comme le dit souvent son fondateur, « tant qu’il y aura un jeune qui doute de sa valeur, il y aura une raison de continuer ».
Un entrepreneur à cœur ouvert : convictions, héritage et vision pour l’Afrique
Difficile d’évoquer Edem d’Almeida sans parler de ses valeurs profondes, celles qui façonnent l’homme autant que l’entrepreneur. Loin des projecteurs, il cultive un style de leadership rare, fondé sur la sincérité, la cohérence et la fidélité à ses principes. Pour ses enfants, il est un père entier, attentif et exigeant. Pour ses proches, un protecteur infatigable, un fédérateur de bonne volonté. Et pour la communauté qu’il inspire à travers ses Masterclass et ses projets entrepreneuriaux, il incarne un guide, un phare dans la brume. Pourtant, Edem préfère ne se résumer qu’en deux mots : engagement et conviction. Deux moteurs puissants, forgés dans l’épreuve et la fidélité à soi-même.
Sa trajectoire, marquée par des embûches autant que des percées, ne s’inscrit pas dans une logique de revanche, mais dans une volonté permanente de transformation. Lui-même ne s’est jamais présenté comme un « modèle », mais comme un homme en mouvement, apprenant sans relâche, acceptant de tomber pour mieux se relever, et
surtout, acceptant de transmettre ce qu’il a appris. « Je ne fais pas ce que je fais pour réussir seul, mais pour que d’autres comprennent qu’il est possible de transformer ses échecs en énergie, ses doutes en direction », confie-t-il souvent.
Il puise cette philosophie de vie dans une parole fondatrice, transmise par sa grand-mère maternelle et qui continue de le guider : « Connais toi toi-même ». Une simple phrase,
mais une boussole. Loin de n’être qu’une maxime philosophique, elle est devenue pour lui un principe de vie, un appel à l’introspection et à l’alignement entre ce que l’on est, ce
que l’on fait et ce que l’on devient.
C’est ce travail de connaissance de soi qui a forgé le Edem que l’on connaît aujourd’hui. Tout petit, il rêvait de devenir militaire, fasciné par les uniformes, la rigueur et l’idée de servir. Puis, comme beaucoup d’enfants, il s’est laissé séduire par l’image de l’homme d’affaires, celui qui voyage partout en avion et qui impose son aura dans les tours vitrées des grandes villes. Et puis, la vie a tranché. Un échec au baccalauréat a mis fin au rêve de
médecine militaire, mais a ouvert une voie qu’il n’aurait jamais imaginée : celle de l’écologie industrielle et de l’entrepreneuriat à impact.
Ce parcours n’a jamais été un reniement de lui-même, mais plutôt une maturation progressive d’un projet de vie fondé sur la quête de sens et l’impact durable. Et c’est
cette leçon, la plus précieuse à ses yeux, qu’il transmet aux jeunes à travers ses prises de parole, ses programmes de mentorat et ses Masterclass : se connaître pour choisir, choisir pour agir, agir pour bâtir.
Une vision claire pour l’avenir : construire, encore et toujours
Aujourd’hui, Edem d’Almeida regarde l’avenir avec lucidité, mais aussi avec confiance. L’Afrique, dit-il, est un continent riche de ressources, mais surtout de talents. L’innovation y est partout, même dans les zones que l’on croit « périphériques ». Ce qu’il faut, selon lui, ce n’est pas seulement former les jeunes ou financer les projets, mais aligner les intentions politiques avec les actions concrètes. « L’écart entre la promesse politique et l’action politique est encore trop grand. Si l’on veut bâtir une Afrique forte, il faut le réduire. »
Pour cela, Edem plaide pour des écosystèmes économiques robustes, qui soutiennent vraiment l’innovation locale, valorisent les industries vertes, et créent un environnement propice à la prise de risque. « L’avenir de l’Afrique est entre les mains de ceux qui oseront créer malgré l’adversité. » Et si lui a réussi à se frayer un chemin dans le secteur jugé peu sexy de la gestion des déchets, il est convaincu que d’autres jeunes peuvent à leur tour créer dans des secteurs sous estimés, mais stratégiques.
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Dans son plaidoyer pour une Afrique résiliente et audacieuse, il ne cesse de marteler un message fort, simple mais percutant: « Tu es ta plus belle opportunité. » Rêve grand. Pense grand. Convaincs. Inspire. Sois audacieux. Ne laisse personne, ni les autres, ni les
circonstances, limiter tes ambitions. C’est ce message qu’il adresse aux jeunes de Lomé, d’Abidjan, de Dakar, de Kinshasa ou de Ouaga, convaincu que l’Afrique a besoin de ses propres héros du quotidien, de ses propres bâtisseurs, de ses propres rêveurs qui osent. Ce n’est pas un appel à la facilité, ni à l’optimisme naïf. C’est une invitation à l’engagement, à la rigueur, et à la résilience.
« Le monde attend ce que tu as à offrir », conclut-il souvent. Un appel, mais aussi une responsabilité : faire de soi une ressource pour les autres, un levier pour son territoire, un
acteur de transformation.