Longtemps relégué à l’arrière-plan de la scène politique togolaise, Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové incarne une génération d’hommes d’État forgés par la confrontation directe avec le pouvoir, les longues traversées du désert, et les tentatives de recomposition de l’espace démocratique. À 85 ans, cet ancien haut fonctionnaire et opposant historique reste l’un des témoins vivants des soubresauts de la vie politique togolaise post-indépendance.
Un jeune diplomate au cœur de l’appareil d’État
Né le 7 mai 1939 à Lomé, formé en droit à l’université de Bordeaux, Jean-Lucien Savi de Tové intègre très tôt les rouages de l’administration togolaise. En février 1967, quelques semaines après le coup d’État militaire qui porte Gnassingbé Eyadema au pouvoir, il est nommé secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Poste stratégique qu’il occupera pendant plus de sept ans, avant une mise à l’écart discrète, mais lourde de conséquences.
De la technocratie à la dissidence
C’est en 1979 que son nom revient dans l’actualité, cette fois dans un tout autre contexte. Impliqué aux côtés de Gilchrist Olympio dans une tentative de renversement du régime, Jean-Lucien Savi de Tové est arrêté et condamné à dix ans de prison. L’itinéraire du haut fonctionnaire devient alors celui d’un opposant radical, figure désormais indissociable de la résistance civile à l’autoritarisme.
L’homme du PDU et l’ombre d’un gouvernement alternatif
Au début des années 1990, alors que le Togo entame une difficile transition vers le multipartisme, Jean-Lucien Savi de Tové fonde le Parti des Démocrates pour l’Unité (PDU). Depuis Cotonou, en mars 1993, il est désigné « Premier ministre de l’opposition » par le Collectif des forces démocratiques, dans une tentative de recomposition face à ce qu’ils jugent être une compromission de Me Joseph Kokou Koffigoh avec le pouvoir en place. L’initiative échouera politiquement, mais elle consacrera Savi de Tové comme une figure incontournable de l’opposition.
L’heure du compromis
En 1999, son parti fusionne avec d’autres mouvements pour donner naissance à la Convergence patriotique panafricaine (CPP), où il devient vice-président aux côtés d’Edem Kodjo. Si son ton se modère, sa ligne reste claire : négocier sans renoncer, dialoguer sans se compromettre.
Ce positionnement lui vaut, en 2005, une entrée remarquée au sein du gouvernement de Faure Gnassingbé. Jean-Lucien Savi de Tové est nommé ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, et prend part à l’Accord politique global de 2006, né du Dialogue inter-togolais. Il y joue un rôle pivot, défendant une vision plus inclusive de la gouvernance et plaidant pour un climat économique propice à la reconstruction nationale.
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Un artisan du dialogue permanent
En mai 2009, Jean-Lucien Savi de Tové est nommé président du Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC), instance officielle de dialogue entre les partis. À ce poste, il s’impose comme une figure de compromis et de sagesse, apportant à l’organe une légitimité renforcée par son parcours transversal.
Un nom, une mémoire
Aujourd’hui, Jean-Lucien Savi de Tové reste le symbole d’une opposition lucide, ferme, mais capable de parler à tous les camps. Sa trajectoire témoigne de l’évolution d’une classe politique d’idéalistes, tour à tour technocrates, résistants et artisans d’un dialogue national. Dans un Togo qui s’apprête à tourner la page de la IVe République pour entrer dans une nouvelle ère institutionnelle, sa mémoire politique, encore vivace, interroge sur la place des anciens dans le récit démocratique contemporain.
