La réconciliation nationale ne se décrète pas. Elle se construit, pierre après pierre, dans le quotidien des populations meurtries. Dix ans après son lancement, le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCCRUN) revendique une approche résolument pragmatique : des indemnisations versées, des écoles construites, des forages opérationnels et des enfants devenus pupilles de l’État. Un virage assumé, loin des slogans, qui redessine les contours du vivre-ensemble au Togo.
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Réuni à Lomé le 18 décembre 2025, le HCCRUN a présenté le bilan de ses actions à travers une conférence dédiée à la dissémination du rapport 2015-2018, élargi aux acquis enregistrés jusqu’en 2025. Un exercice de transparence, mais surtout un moment de vérité sur l’état réel de la justice transitionnelle togolaise.
HCCRUN : dix années de justice transitionnelle en actes
Créé pour traduire les recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) en mesures concrètes, le HCCRUN s’est progressivement imposé comme un acteur central du processus post-crises politiques, notamment celles de 1993 et 2005.
En dix ans, l’institution a structuré son action autour d’un principe clé : réparer pour restaurer la dignité. Indemniser, accompagner, reconstruire. La conférence-bilan 2025 marque la 8ᵉ étape de mise en œuvre des recommandations, avec une volonté affichée de consolider les acquis et de renforcer la confiance entre l’État et les victimes.
Indemnisations et accompagnement
Le cœur du dispositif du HCCRUN repose sur les réparations individuelles. Indemnisations financières, prises en charge médicales et soutien psychologique constituent le socle de cette politique. L’objectif dépasse la simple compensation matérielle : il s’agit de redonner une place sociale à des citoyens longtemps marginalisés par les violences politiques.
L’année 2025 marque une séquence charnière dans la mise en œuvre opérationnelle des réparations pilotées par le HCCRUN. Selon le résumé officiel du bilan 2025, les actions d’indemnisation ont été conduites dans trois villes stratégiques : Guérin-Kouka, Lomé et Sotouboua, confirmant la volonté de territorialiser davantage le processus de réconciliation.
Au total, cinq (05) sessions d’indemnisation ont été organisées sur l’année 2025, contre neuf (09) sessions en 2024. Une baisse quantitative assumée, compensée par une approche plus ciblée et qualitative, axée sur la finalisation de dossiers complexes relevant de la 8ᵉ étape du programme de réparations (2024-2025).
Sur cette période, 2 838 victimes ont été indemnisées, portant à 33 331 le nombre total de victimes prises en charge entre 2017 et 2025. Un chiffre qui illustre l’ampleur inédite du chantier de justice transitionnelle engagé au Togo et inscrit durablement l’action du HCCRUN dans la mémoire institutionnelle du pays.
Enfants victimes et pupilles de l’État
Parmi les axes les plus sensibles figure la prise en charge des victimes dépendantes, notamment les orphelins mineurs. Conformément à la recommandation 49 de la CVJR, le HCCRUN a mis en place un programme spécifique : bourses d’études, accompagnement scolaire, insertion socio-professionnelle.
Le bilan 2025 met également en lumière un axe particulièrement sensible : la prise en charge des enfants orphelins victimes indirectes des violences politiques. À ce jour, le HCCRUN a recensé et enrôlé 209 enfants orphelins, dont 183 en 2024 et 26 nouveaux cas en 2025.
La ventilation par sexe révèle une réalité souvent occultée : 119 filles, soit 57 %, 90 garçons, soit 43 %.
Ces enfants, devenus pupilles de l’État, incarnent une vision prospective de la réconciliation : éviter que les drames d’hier ne produisent les fractures de demain. Une stratégie qui place l’éducation et l’autonomie au cœur du processus de paix durable.
Réparations communautaires
Depuis 2021, les réparations communautaires et collectives ont pris une place centrale. Dans les zones les plus affectées par les violences politiques, les populations ont été associées au choix des projets : écoles, centres de santé, forages d’eau potable, centres de retrouvailles.
Au-delà de leur utilité sociale, ces infrastructures jouent un rôle symbolique puissant. Elles deviennent des espaces de dialogue, de mémoire partagée et de reconstruction du lien social, là où la défiance avait longtemps dominé.
Dix ans après, le HCCRUN ne parle plus seulement de réconciliation : il en montre les preuves. Indemnités versées, infrastructures livrées, enfants protégés, communautés rassemblées. Le processus reste perfectible, mais il a changé de nature.
La question n’est désormais plus si la réconciliation est possible au Togo, mais comment l’ancrer durablement dans la vie quotidienne des citoyens. Le bilan des dix ans du HCCRUN ouvre une nouvelle séquence : celle d’une paix qui se construit, non dans les discours, mais dans les actes.







