Les stéréotypes liés au genre sont des facteurs qui influent, encore de nos jours, sur les choix de carrières de beaucoup de personnes. Les personnes de sexe féminin sont les plus affectées même s’il faut admettre que les choses évoluent et que beaucoup de femmes brisent le plafond de verre.

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Au Togo, des exemples de femmes qui sortent du lot pour exceller dans des carrières où on ne les attendait pas forcément existent. C’est le cas de KEKE Adjoto Simone Fafa, la première femme capitaine de navire du pays, dont nous partons à la découverte.

L’appel du destin

Keke Adjoto n’est pas à l’origine une passionnée des métiers où on porte un uniforme et des titres du genre officier, c’était plutôt la vision de son père. La jeune fille a naturellement suivi son cursus scolaire à Lomé ponctué par l’obtention de son baccalauréat série D avec mention « assez bien » en 2012. Fuyant la carrière militaire que lui proposait son père, Simone Fafa se retrouva à l’École Supérieure d’Agronomie (ESA) de l’Unversité de Lomé, dans la fiilère Agroéconomie. Les deux ans passés là-bas sans le soutien paternel ont été éprouvants pour la jeune étudiante.

Aussi, décida-t-elle de se tourner vers la proposition de son géniteur. C’est là qu’elle se souvint d’une de ses attractions à savoir, une amie de son frère qu’elle trouvait assez aisée financièrement. Cette amie de la famille lui avait appris que son père est marin. Le lien est donc vite fait entre l’autonomie financière qui attirait Simone Fafa Keke et la carrière militaire que lui proposait son père. Elle trouva donc le juste milieu en choisissant la marine marchande qui est une structure para-militaire.

Fafa introduisit une demande de bourse à l’Académie sous régionale des sciences et techniques de la mer d’Abidjan qui fut acceptée. C’est alors que débuta son aventure qui va l’amener vers un destin peu ordinaire. La formation n’était pas du tout donnée, mais Fafa s’adapta, ce choix étant finalement le sien. Sa détermination fut couronnée, trois ans plus tard, du diplôme d’officier chef de quart passerelle avec un prix d’excellence de la Première dame de la Côte d’Ivoire, Mme Dominique Ouattara.

Faire face aux stéréotypes

Après son diplôme, Fafa Simone Keke se jetta à l’eau en embrassant le côté pratique de sa formation à savoir la navigation. Ce, à bord d’un caboteur qui opérait dans le Golfe
de Guinée, sur des lignes comme le Gabon, le Nigéria, le Cameroun, le Bénin, le Togo. Mais aussi à bord des remorqueurs du Port autonome de Lomé.

Au bout de ces moments de navigation, Fafa Keke obtint son brevet de Lieutenant au Long cours, ce qui lui permit de se rendre au Maroc pour faire l’application. Elle revient en 2021 avec le diplôme de Capitaine au Long cours, la première femme togolaise à obtenir ce graal et enchaina des stages de pilotage au port de Kpémé. Depuis 2 ans, elle est Commandant du remorqueur MV Blessings pour le compte de la compagnie Golf of Guinée Trading Compagny.

Les débuts de Fafa dans le métier ne furent pas aisés, mais elle eut la chance de se voir confier très tôt des responsabilités. Elle a pour mission aujourd’hui de prendre le commandement de grands navires pour des voyages intercontinentaux. Elle supervise
également des missions en mer telles que le ravitaillement, la livraison l’assistance. Elle est à la tête d’un équipage de 10 membres où elle est la seule femme.

Fafa est fière d’avoir ouvert la voie aux femmes togolaises dans la marine. Aujourd’hui, a-t-elle confié, deux autres femmes togolaises ont étudié et exercent en tant que marins, ceci grâce aux bourses du gouvernement togolais.

Simone Fafa a choisi un domaine dominé par les hommes et dans ce genre d’environnement, les stéreotypes de genre aussi dominent. Déjà, pour sa première journée à bord d’un navire, elle dut faire face aux allusions à sa condition de femme. Dans une anecdote qu’elle nous a confié, Fafa s’est vu demandé par le commandant du bord, de nommer un des appareils sur la passerelle. Elle répondit que c’est peut-être une télé. Ce à quoi le Commandant s’exclama que c’est parce qu’elle est une femme et qu’elle aime regarder la télé qu’elle confond un appareil sur le navire à une télé.

Ces stéréotypes font partie du quotidien de Fafa Keke  dans l’exercice de ses fonctions de Capitaine et certaines fois les remarques sont d’une intensité très élevée. Une fois, à
bord d’un navire à passagers, Simone a du faire face à la violente colère de ces derniers, opposés au fait qu’une femme face partie des officiers supérieurs chargés de la conduite. Ils lui reprochaient d’être à l’origine du retard que connaissait leur voyage et qu’elle les aurait certainement perdu en mer. Or de l’aveu de Fafa Keke, c’était un problème de machine qui avait retardé la traversée.

Mais ces difficultés, Adjoto Simone Keke les affronte la tête haute, parce que c’est un devoir pour elle en tant que pionnière dans ce domaine au Togo. L’image qu’elle laissera, marquera celles qui la suivront dans ce domaine. Il faut alors donner le meilleur de soi pour laisser une bonne image des femmes marins togolaises. Le principal défi auquel fait face Simone Fafa Keke dans sa carrière est le manque d’opportunités.

En effet, le Togo ne dispose pas de compagnie maritime, ce qui crée un déficit d’opportunités pour exercer et acquérir de l’expérience. En outre, la législation en la matière n’est pas assez fournie surtout en ce qui concerne les femmes qui embrasse cette carrière. Ce qui fait qu’il n’y a pas de code auquel se référer quand il est question de femmes à bord de navires.

Ce déficit rend certains travaux un peu difficiles à exécuter et certaines situations, un peu difficiles a gérer lorsqu’elles surviennent. Toutefois, la situation évolue puisque la nouvelle convention togolaise des marins prend en compte les questions de genre, ce qui n’existait pas avant.

Les défis de la femme marin togolaise selon Fafa Keke

Au-delà de ces difficultés, Fafa Keke avoue qu’elle ne se met pas de pression par rapport à son statut de première femme Capitaine de navire au Togo. Son objectif est de donner le meilleur d’elle-même partout où elle passe pour laisser une bonne réputation pour la génération de femmes marin qui vient. Mais elle ne cache pas sa fierté d’être la pionnière dans ce domaine.

Pour Fafa Keke, sa carrière vient de commmencer puisqu’elle a eu son brevet de Capitaine cette année, il y a à peine quelques semaines, alors qu’elle a démarré le parcours en 2014. Il reste donc une longue page de l’histoire à écrire.

Un travail passionnant 

KEKE Adjoto estime qu’elle est à la meilleure place qui soit pour elle sur terre avec son métier. Le fait d’être en mer lui offre la plus belle vue du monde, à admirer les levées et
couchers du soleil, la nature de la mer et lui offre l’opportunité de respirer du bon vent. Mais la mer n’a pas que du beau, il y a aussi ses revers comme le mal de mer et les vomissements du début.

En outre, la vie d’équipe qui s’impose à bord est une belle expérience pour elle. Bien que Capitaine, elle est en symbiose avec son équipe où chacun a sa valeur pour permettre au navire d’avancer. A ces bonheurs, s’ajoute celui de rendre service aux populations qui dépendent des marchandises transportées.

Appel de la mer aux dames

Fafa Keke encourage toutes les jeunes filles désireuses de suivre ses pas ou aller vers d’autres domaines à forte dominance masculine de ne pas se laisser intimider. Déjà dans le
domaine maritime, il y a deux autres femmes togolaises marins, l’une à bord d’un navire gazier français qui fait du long cours; et l’autre à bord des remorqueurs au port autonome
de Lomé et qui occupe le poste de second capitaine.

C’est donc possible pour les femmes d’exceller dans les domaines qui attirent plus d’hommes, d’autant plus que le Togo même fait la promotion des femmes aujourd’hui. Soutien dont elle-même a bénéficié.

En termes d’astuces, Fafa Keke conseille aux jeunes filles ambitieuses de s’armer de courage, d’avoir une force de caractère, de rêver grand et ne pas se limiter. Elle leur conseille également d’écrire leurs rêves et le voir souvent, car comme l’a dit un sage, ‘’ un rêve qui n’est pas écrit est une hallucination’’. Des difficultés, il y en aura, mais ces demoiselles doivent persévérer.